Maslow: le Management

 
Avant propos de la nouvelle édition
Introduction
Abraham Maslow: l'homme et son œuvre
Préface de la première édition
L'attitude des Auto-Actualisateurs envers Devoir, Travail, Mission
Notes supplémentaires sur l'auto actualisation, Travail, Devoir, Mission
Devoir Auto-Actualisé
Différents principes de management à différents niveaux de la hiérarchie
Economie et management éclairés
L'oubli des différences individuelles dans la politique de management
L'équilibre des forces vers la croissance et la régression
Mémorandum sur les buts -- et directives de management éclairé et de théorie organisationnelle
Forces régressives
Notes sur l'estime de soi en situation de travail
Le Management en tant qu'expérience psychologique
Le Management éclairé comme forme de patriotisme
Relations entre la santé psychologique et les caractéristiques des meilleurs managers, superviseurs, contremaîtres, etc. (Notes de Likert)
Notes supplémentaires sur les relations entre la santé psychologique et les caractéristiques des meilleurs managers, (Notes de Likert)
Mémorandum sur le management éclairé
Conséquences du management éclairé
Notes sur la synergie
La doctrine synergique de la quantité illimitée de bien vs. La doctrine antisynergique de la quantité illimitée de bien
Addition aux notes sur la synergie
Mémorandum sur la Dynamique de syndrome et la pensée holistique, organismique
Notes sur les E- valeurs (les Buts Elevés, les Buts Ultimes)
Notes sur le leadership
La personne supérieure - "l'Aggridant" (biologiquement supérieur et dominant)
Le boss très supérieur
Notes sur les groupes non structurés à Lake Arrowhead
Notes sur la créativité
Addition aux notes sur la personne créative
Notes sur l'entrepreneur
Mémorandum sur la redéfinition du profit, des taxes, des coûts, de l'argent, de l'économie, etc.
Les bons vendeurs et clients éclairés
Notes supplémentaire sur les vendeurs et les clients
Mémorandum sur les vendeurs à et la vente
Sur les grognements primaires, les grognements éclairés et les métagrognements
La théorie de l'amélioration sociale; la théorie de la révolution lente
La nécessité de politiques de management éclairées
Bibliographie

D'après Maslow on Management ©1998 by Ann Kaplan, 
publié par John Wiley & Sons, Inc., basé sur Eupsychian Management 
ISBN 0 14 00.4262 8
Traduction française © 2002 by
Eric de Rochefort

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Avant propos de la nouvelle édition

37 Ans Plus Tard

Il est étonnant, n'est ce pas, qu'un livre épuisé depuis près de 37 ans, un livre qui a tout juste vendu sa première édition et puis virtuellement disparu -- tombé vraiment dans l'oubli, sans même un murmure -- ait soudain fait irruption sur la scène, piquant l'intérêt de tout le monde. Intriguant des milliers de fans de Maslow et des milliers d'autres qui se souviennent vaguement de son nom évoqué sur les bancs d'école ou lorsque des phrases comme auto-actualisation ou "expériences paroxystiques " traversent leur esprit ou leur écran d'ordinateur.

Pourquoi le livre a disparu continue à me dépasser. Peut-être était-ce le titre. J'avais imploré Abe d'utiliser un titre plus accessible pour les lecteurs, mais qui étais-je pour défier le dédale de phrases et d'écrits séduisants? L'éditeur original, cependant, est monté au plafond lorsque Abe s'est entêté à maintenir -- oui -- Management Eupsychien.

Mais plus probablement, c'était l'époque. Une Amérique industrielle complaisante, suprême depuis la deuxième guerre mondiale, n'était pas particulièrement intéressée par des ouvrages sur le business, particulièrement de la part d'un psychologue qui n'avait pas la moindre expérience de business. En plus de ce titre intimidant, Abe écrit d'une manière discursive -- les morceaux de pensée, des pépites d'information au hasard, des brouillons, comme les esquisses d'un artiste ou les exercices de doigts d'un violoniste.

Les éléments de cet ouvrage ont été transcrits mot pour mot à partir de ses cahiers. Lorsque Abe m'a tout d'abord montré ses cahiers, je lui ai immédiatement dit "il faut que tu publies ca". Il a résisté pendant des mois, disant que c'était seulement "du travail en cours," seulement des brouillons, "pas académique," " je suis nouveau dans ce domaine," et ainsi de suite. Une excuse après l’autre. Finalement, la raison a prévalu. J'ai réussi à le convaincre de publier ses cahiers et ai trouvé un éditeur, qui, j'en suis sûr, n'appréciait par vraiment la signification de l'ouvrage, me demandant en aparté si l'Anglais était la seconde langue de Abe.

Il y a des sections de cet ouvrage dont l'innocence est hilarante, et d'autres parties dont la prescience et l'aspect pénétrant sont terrifiants. Mais il n'y a pas de petits paradigmes bien packagés -- si vous supportez d'entendre le terme encore une fois. Il n'y a pas non plus "19 règles pour un bon ceci ou cela". Ce que vous trouverez à travers ce merveilleux ouvrage et un "génie en exercice" avec toutes ses ruminations élégantes, un écrivain attentif qui tout au long de sa vie a cultivé l'esprit d'un débutant. Comme il est dit dans la préface, un "novice peut souvent voir des choses qui échappent à un expert".

Il hésite pas à s'affronter aux plus grandes figures du management des années 60 qui écrivaient alors sur le travail, notamment Drucker, McGregor, Rogers et Likert. Toujours d'une façon amicale, non-agressive, mais d'une façon qui n'a pu qu'attirer leur attention. Drucker prétend que Abe a écrit ce livre seulement pour le faire redescendre sur terre ainsi que McGregor. Je doute que celui-là ait été le motif premier, mais Abe met certainement en cause les suppositions de ces géants. Mais au fur et à mesure que vous continuez à réagir, j'espère que vous remarquerez aussi certaines autres choses, dont de nombreuses que soit j'avais raté soit je n'avais pas entièrement comprises il y a trente-cinq ans.

Par exemple, Abe a été l'un des premiers à réaliser que, "la situation industrielle peut servir de nouveau laboratoire pour l'étude de la psycho-dynamique, du développement humain élevé, de l'écologie idéale de l'être humain." Sa prescience était aussi assez extraordinaire. Dans le dernier chapitre, pour prendre seulement un exemple, il prévoit, avec une précision terrifiante la chute de l'union soviétique et les succès futurs de l'Amérique à cause des tendances de l'industrie poussant au développement... Si les Américains peuvent produire un meilleur type d'être humain que les Russes [souvenez-vous, cher lecteur, il écrivait ceci en pleine guerre froide] alors ceci fera l'affaire. Les Américains seront simplement plus aimés, plus respectés, on leur fera plus confiance, etc. etc."

Il y a deux autres choses à propos de ce livre que je voudrais mentionner. L'une est combien il apparaît politiquement incorrect aujourd'hui et quel a été le courage dont Abe a toujours fait preuve. Lisez son chapitre sur les "Aggridants," où il discute du dilemme de la démocratie: que faisons-nous des individus supérieurs? Que faisons-nous des disparités extrêmes en talent? Il aborde de front des questions que tout le monde évitait dans les années 60 et continue à éviter. Abe a toujours posé les GRANDES questions. Ce livre essaye de traiter de deux questions majeures ou de décrets moraux qui valent la peine d'être répétés encore et encore: "Combien la nature humaine permet-elle une bonne société?" "Combien une bonne nature humaine la société permet-elle?"

Peut-être ceci aide à expliquer mes premières questions: Pourquoi la promesse d'une réédition a-t-elle généré un intérêt passionné et pourquoi le livre a-t-il migré aussi peu cérémonieusement sur l'étagère des laissés-pour-compte aussitôt après sa publication? Il est plus facile de répondre à la première question. Les problèmes auxquels font face les organisations aujourd'hui sont autrement plus difficiles que les problèmes qu'elles avaient à traiter dans les années 60: la globalisation, la compétition intense, la technologie galopante, le changement / le changement / le changement. Pour la seconde question, maintenant que je relis le livre, ça devient très clair. Le livre soulève des questions éminemment menaçantes et Abe a toujours pensé que le but premier de la science était de "faire descendre la vérité de force dans les gorges réticentes." Peut-être nos gorges ou même nos esprits sont maintenant prêts pour la médecine profonde de Maslow.

Abe Maslow ne requiert pas d'explication ou d'interprétation. Il est un livre ouvert, bien informé par ses mots et sa personne précieuse. La première phrase dans l'un des livres les plus important de Abe, "Vers une Psychologie de l'Etre", publié en 1962:

Nous voyons se dessiner aujourd'hui une conception nouvelle de la maladie et de la santé, une psychologie que je trouve si passionnante et si pleine de merveilleuses possibilités que je cède à la tentation de la présenter au public avant même qu'elle ait été vérifiée ou confirmée, et avant qu'elle puisse être qualifiée de connaissance scientifique fiable.

Tout est là en une phrase - une phrase qui a condamné la psychologie à une nouvelle vie; qui l'a obligé à se retourner: atteindre la vérité à travers l'expérience personnelle, devenir un "sachant courageux".

La science était pour Abe une façon de vivre et d'aimer - sa poésie et sa débureaucratisation (ou comme il le préférerait - sa resacralisation) étaient son but. Abe était un conquérant - un homme seul pendant de nombreuses années - avançant toujours avec courage et charme comme le plus séduisant des croisés.

Il a écrit dans son dernier livre, La Psychologie de la Science:

Les troupes d'assaut de la science sont certainement plus nécessaires à la science que sa police militaire. C'est ainsi même s'ils ont la faculté de se salir beaucoup plus et de subir de bien plus grandes pertes, mais il faut bien que quelqu'un passe d'abord dans les champs de mines.

La science était sa poésie, sa religion, son émerveillement. Il écrivait, aussi dans sa Psychologie de la Science:

La science peut être la religion des non-religieux, la poésie des non-poètes, l'art de l'homme qui ne peut pas peindre, l'humour de l'homme sérieux, et l'amour de l'homme inhibé et timide. Non seulement la science commence dans l'émerveillement, elle finit aussi dans l'émerveillement.

Je cite généreusement le travail de Abe, parce que son travail était sa vie, et que connaître l'un est accueillir l'autre. J'ai connu Abe - ou l'ai rencontré (comme beaucoup d'entre nous) à travers d'un de ses livres. C'était ma dernière année au collège d'Antioch, et en suivant un cours avec le président d'alors, Douglas McGregor, il a recommandé un livre sur la psychologie anormale écrite par Maslow et Mittelmann.

C'était un souffle d'air frais. C'était un livre qui m'a vraiment attiré à la psychologie comme une vocation. Je me souviens toujours qu'il y avait dans ce livre, sur le frontispice, deux photos: l'une qui montrait un groupe de bébés heureux et gazouillants dans la chambre de maternité d'un hôpital d'enfants - des nouveau-nés - et juste en dessous se trouvait une autre photo montrant un groupe de personnes - hagardes, aux traits fatigués et tirés - entassées dans le métro de New York, accrochés avec des regards sinistres aux courroies au-dessus de leurs têtes, et à travers les fenêtres vous pouviez voir ces visages cireux. Et la légende sous ces deux photos était "Que s'est-il passé?" Et c'est à cette question que Abe a passé la plupart de sa vie à essayer de répondre.

Cela était ma première rencontre avec Abe, et ma dernière était à Buffalo au printemps 1968, quand il était en chemin vers Colombus, Ohio, pour rendre visite à sa nouvelle petite-fille et célébrer sa naissance. À cette occasion, j'ai conduit un long entretien avec Abe Maslow à partir duquel nous avons fait un film. Il m'a dit à ce moment-là, juste après que nous ayons filmé notre entretien, " j'ai à prendre une décision importante." Il savait à ce moment-là que d'écrire quoi que ce soit requérait toute l’énergie qu'il pouvait encore rassembler. Il questionnait, "Ai-je écrit toute la bonne psychologie qu'on peut attendre de moi?" Cela atteignait son point culminant du fait de la merveilleuse offre de Bill Laughlin (Dirigeant Saga Foods) de le rejoindre en Californie. Il dit alors, " j'ai hésité pendant des jours puis, avec l'approbation de Bertha, j'ai refusé toutes les autres offres des grandes universités pour aller à l'ouest et passer l'ensemble de mon temps à écrire." Il dit, " je suis sur le point je me couper de toutes les circonstances extérieures - pas de Harvard, pas de Brandeis, je veux pousser un dernier chant, bon et exultant."

Entre la première rencontre avec Maslow et Mittelmann à Antioch et la visite à Buffalo se sont glissé de nombreuses délicieuses occasions avec les Maslow, des visites affables, chaleureuses et gaies, toujours égayées par la sociabilité sans effort de Bertha (comme la rivière Charles ondulant devant la terrasse en bois de leur maison de Newton) et son réfrigérateur somptueux et plein à craquer. Et toujours Abe - avec cette voix incroyablement douce, timide, hésitante, et gentille émettant les remarques les plus énormes. Le petit déjeuner avec la famille Maslow était le nirvana intellectuel - de la nourriture bonne et sans fin, des échanges bons et sans fin - ou j'avais toujours l'impression unique de gagner de l'énergie, d'être soulevé.

Franck, un lauréat du prix Nobel en physique, a dit une fois, " je sais toujours quand j'entends une bonne idée à cause de la sensation de terreur qui me saisit." Dans ce sens, Abe était un terroriste - un terroriste déboulant toujours à travers les barricades de la pensée conventionnelle et allant trop vite pour être ciblé par le canon."

J'ai toujours ressenti, lorsque j'étais avec Abe, un esprit enfantin d'innocence est d'émerveillement - avec ses sourcils (comme Thomas Mann l'a dit de Freud) continuellement haussés en une perpétuelle expression d'étonnement. Abe a écrit, à propos de Aldous Huxley, ce que je considère comme une auto-description exacte de Abe Maslow:

Puis-je mentionner une autre technique que j'ai vue à son meilleur chez Aldous Huxley, qui était certainement un grand homme - un homme capable d'accepter ses talents et de les utiliser pleinement. Il l’accomplissait en s’émerveillant perpétuellement de combien tout était intéressant est fascinant, en s'extasiant comme un enfant sur combien les choses sont miraculeuses, en disant fréquemment, " extraordinaire, extraordinaire!" Il pouvait regarder le monde avec des yeux écarquillés, avec une innocence naturelle, avec respect, fascination - qui est une sorte d'admission de petitesse, une forme d'humilité - puis s'atteler calmement et sans peur aux grandes tâches qu'il s'était assignées.

Pendant ces années, Abe écrivait l'histoire en ré-inventant la psychologie. Tellement des termes, des phrases, et des concepts aujourd'hui acceptés, et même passés dans la langue courante, sont de Abe: hiérarchie des besoins, réalisation de soi, expériences paroxystiques. Et tout ceci a rejoint la Troisième Force de Psychologie et la Psychologie Humaniste.

Antony Sutich a dit récemment, "Abraham Maslow" est le plus grand psychologue depuis Freud. La seconde moitié de ce siècle lui appartient."

Si la première moitié du siècle dernier a vu la psychologie moderne écarter l'esprit et le cœur de la psychologie, alors Abe Maslow, dans des conditions héroïques, les a déterrés - plus étincelants qu'avant. Il écrivait:

En échange de Freud, Adler, Jung, Fromm, et Horney, nous nous voyons offrir des expériences superbement exécutées, précises, élégantes, qui dans au moins la moitié des cas, n'ont rien à voir avec des problèmes humains durables et qui sont écrits avant toute chose pour d'autres membres de la guilde. Ceci fait penser à la dame au zoo qui demande au gardien si l'hippopotame est mâle ou femelle. "Madame" répondit-il, " il me semble que ceci ne présenterait éventuellement d'intérêt que pour un autre hippopotame."

Pour moi - peut-être pour tous les étudiants humanistes - l'héritage essentiel de Abe a été de faire revivre la pleine humanité de la science en en déclarant la totalité de nos expériences humaines possibles à étudier. Il écrivait, dans les pages finales de "Vers une Psychologie de l'Etre":

L'ensemble du monde, l'ensemble de l'expérience doit être ouvert à l'étude. Rien, pas même les problèmes "personnels" ne doivent être écartés de l'investigation humaine. Autrement, nous placerons nous-mêmes dans la position idiote dans laquelle certains syndicats se sont eux-mêmes cantonnés: ou seulement les charpentiers ont le droit de toucher du bois. Des nouveaux matériaux et de nouvelles méthodes doivent être ennuyeuses et même risquer de produire des catastrophes plutôt que des opportunités. Je vous rappelle aussi les tribus primitives qui doivent placer tout le monde sur le système de parenté. Si un nouveau venu apparaît qui ne peut être placé, il n’y a d'autres solutions au problème que de le tuer.

Pour Abe - pour nous - la tâche de tout homme et de devenir le meilleur " lui-même." Jean Dupont ne doit pas essayer de devenir comme Abraham Lincoln ou Thomas Jefferson ou tout autre héros ou modèle. Il doit devenir le meilleur Jean Dupont du monde. Ceci est quelque chose qu’il peut faire, et seul ceci est nécessaire ou possible. Là, il n'a pas de concurrence.

Ce que Abe a fait est de rendre ce qui était religieux, mystique ou surnaturel naturel - de donner à l'homme la propriété de son potentiel humain plutôt que de la voir usurpée par les institutions temporelles inhumaines qu'à certains moments la science, le business et l'église ont été. Il cite Rainier Maria Rilke, qui a dit, " si votre vie de tous les jours semble pauvre, ne l'accusez pas; accusez vous vous-mêmes; dites-vous que vous n'êtes pas suffisamment poète pour invoquer ses richesses puisque pour le Créateur il n'y a pas de pauvreté et pas de pauvre ou d'endroit qui ne soit important".

Deux grandes choses que Abe nous est donnée à tous sont: l'art et la science de devenir plus pleinement humains et la démocratisation de l'âme. Nous lui en serons redevables pour toujours.

Warren Bennis
University Professor and Distinguished Professor of Business Administration,
Marshall School of Business
University of Southern California

 

Introduction

Ceci ne concerne pas des "trucs" ou des "astuces" ou des techniques superficielles qui peuvent être utilisées pour manipuler des êtres humains plus efficacement. C'est plutôt une confrontation claire d'un ensemble de valeurs orthodoxes basiques avec un autre système de valeurs nouveau qui prétend être plus efficace ainsi que plus vrai. Il découle de certaines des conséquences révolutionnaires de la découverte que la nature humaine a été largement sous-estimée.

Abraham Maslow

Abraham Maslow

Que peuvent nous apprendre aujourd’hui quelques inscriptions dans un cahier faites il y a trente-sept ans sur la façon de manager aujourd'hui? Nous nous sommes posé cette question lorsque Ann Kaplan, la fille de Abe, nous a approché avec l'idée de les rééditer. Notre réponse est que les idées de Maslow sur le travail, la réalisation de soi, et l'influence du Business sur le développement de la "bonne société" font partie de la pensée la plus profonde que nous ayons découvert en près de 20 ans d'étude des leaders.

Nous nous sommes immergés dans le travail de Maslow: ses livres publiés, ses articles et ses papiers personnels. Alors que nous avions toujours identifié Maslow avec sa Théorie de la Hiérarchie des Besoins, nous découvrions dans son travail une collection de recherche et de sagesse et d'éclairages qui avait des décennies d'avance sur son temps. Son travail de pionnier dans le domaine du management, de la créativité, et de l'innovation nous parle aujourd'hui d'une voix qui rend les travaux actuels et la pensée actuelle presque obsolètes. Les théories de Maslow concernant la réalisation de soi et le travail, la loyauté des clients, le leadership, et le rôle de l'incertitude en tant que source de créativité, brossent un tableau de l'âge digital d'aujourd'hui qui est profond.

Le futur que Maslow décrit dans ses cahiers est le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui - l'âge digital. Un monde dans lequel le potentiel humain sera la source première d'avantage compétitif dans pratiquement toutes les industries, toute organisation, toute institution. Le travail de Maslow nous fait nous demander si nous comprenons la travée des chemins à laquelle nous sommes rendus. Un carrefour ou dans nos efforts pour ne pas être distancés nous aurons besoin de personnes engagées, éduquées et hautement motivés à tous les niveaux; un carrefour ou le respect des règles ou le leadership autoritaire ne fonctionnent tout simplement plus; un carrefour ou les besoins de la société et le besoin du business deviennent tellement entremêlés que si l'un devient dysfonctionnel, l'autre en souffre les conséquences.

Et pourtant, sommes-nous prêts à avancer? Nous parlons le langage de ce nouveau monde, mais il nous reste à adhérer à son sens. Nous n'avons pas besoin de regarder plus loin que nos expressions courantes pour désigner les personnes: capital intellectuel, ressources humaines, travailleurs du savoir, et tous les autres termes que nous avons inventé pour déguiser le fait que ce dont nous sommes en train de parler sont des personnes et leur potentiel inexploité.

Les personnes passent trop de leur temps dans des organisations et des institutions qui ne les aident pas à réaliser leur potentiel. Nous croyons que ceci devrait être une force aussi puissante que la gestion financière, le développement produit, le retour sur investissement, et tous les autres indicateurs que nous avons mis en place pour mesurer le succès. Sans cette force, les succès seront de courte durée, nos plans rien d'autre que court terme, et notre capacité à continuer à concourir dans un monde global sévèrement restreint. Peut-être est-il temps d'adhérer aux idées de Maslow et de nous mettre à croire vraiment que nous pouvons créer des organisations capables d'utiliser le vrai potentiel des personnes.

 

Construire de formidables organisations

En retournant chercher les cahiers d'Abraham Maslow, nous nous proposons de prouver que ses théories et idées sont en fait possibles. Notre voyage nous a poussés vers des leaders dans une grande variété d'industries. Nous avons demandé à ces leaders de nous faire part de leurs réflexions sur les mots de Maslow et de leurs propres luttes et triomphes dans la construction d'organisations éclairées.

Nous voudrions remercier les nombreux leaders qui ont donné leur temps pour lire ces cahiers et qui nous avons accordé le temps d'explorer leur pensée:

Nous vous voudrions remercier Ann Kaplan et Ellen Maslow pour avoir persisté dans leurs efforts à mettre le travail de leur père à la disposition d'une nouvelle génération de leaders et de managers. Le cadeau que cela représentait pour moi était significatif: par le processus qui a consisté à ramener les cahiers de leur père à la vie, nous sommes devenus nous-mêmes de meilleurs éducateurs, de meilleurs leaders, de meilleurs parents et de meilleurs êtres humains.

Deborah C. Stephens
Gary Heil

 

Abraham Maslow: l'homme et son œuvre

... Quelquefois j'ai le sentiment que mes écrits sont une communication pour mes arrières petit-fils qui ne sont bien sûr pas nés. C'est une sorte d'expression d'amour pour eux, leur laissant non pas de l'argent, mais des notes affectueuses, les petits bouts de conseil, des leçons que j'ai apprises qui pourraient les aider...

Abraham Maslow nous a laissé à tous un héritage. Son travail de pionnier dans le domaine de la psychologie humaniste a imposé une empreinte permanente sur la façon dont nous voyons nous-mêmes, nos vies, et nos institutions.

Maslow a commencé sa carrière au collège Brooklyn ou sa combinaison inhabituelle de confiance dans son sujet et d'humilité personnelle l'a rendu très populaire avec ses étudiants. De nombreux étudiants se souviennent que c'était son amour pour la psychologie et son enthousiasme pour la science de la psychologie qui les a conduit vers des carrières dans le domaine.

Maslow a quitté le collège Brooklyn pour devenir président du département de psychologie à l'université Brandeis. Il a aussi été président de l'association américaine de psychologie de 1967 à 1968.

Bien que Maslow a conduit de la recherche et des études dans une myriade de domaines, on se souvient surtout de lui pour sa hiérarchie des besoins et pour les concepts de réalisation de soi en tant que plus haute force motivationnelle. À partir de son travail, les gens ont commencé à élaborer une structure plus positive pour la motivation humaine et le potentiel humain. Faisant fréquemment référence comme le père de la psychologie humaniste, Maslow s'est écarté des béhavioristes et des praticiens et universitaires freudiens pour postuler une théorie beaucoup plus éclairée à propos de l'humanité.

Un auteur prolifique, il a signé des centaines d'articles sur des questions allant de la créativité, les techniques de management éclairé, la motivation humaine, et l'accomplissement de soi. Son ouvrage le plus connu, Vers une Psychologie de l'Etre était le genre d'ouvrage que les gens se faisaient passer sans cesse. Décrit comme un livre qui non seulement inspire, mais change la vie des personnes, il y a catapulté Maslow sur la scène nationale. Des termes comme réalisation de soi et expérience paroxystique sont devenus des termes usuels, intégrés au langage courant des turbulentes années 60.

Le travail central de Maslow était peut-être son développement de la hiérarchie des besoins. Maslow croyait que les êtres humains aspiraient à s'accomplir. Il voyait le potentiel humain comme un territoire largement sous-estimé et inexpliqué. La pyramide désormais fameuse en est venue à illustrer ce concept:

Au cours de l'été 1962, Maslow a tenu un cahier alors qu'il se trouvait dans une usine en Californie du Sud. Le cahier, à l'origine ronéotypé, était intitulé Summer Notes [Notes d'Eté]. Le cahier a d'abord été publié sous le titre "Eupsychian Management" et n’était pratiquement connu que des universitaires et des théoriciens du Business. Il a été réédité en 1998 sous le titre Maslow on Management.

Abraham Maslow et décédé en juin 1970 à Menlo Park, en Californie, à l’âge de 62 ans.

 

 

Préface à la première édition

Je n'ai fait aucun effort pour corriger les erreurs, pour questionner quoi que ce soit, pour occulter mes préjugés, ou pour apparaître plus sage ou mieux informé que je ne l'étais au cours de l'été 1962.

Les notes qui composent ce cahier ont été prises au cours de l'été 1962, alors que j'étais une sorte de stagiaire à l'usine de Non-Linear Systems, Inc. à Del Mar, Californie, à l'invitation de Andrew Kay, le président.

Je suis allé là-bas, sans but précis où tache particulière, mais je suis devenu très intéressé par ce qu'il s’y passait pour des raisons qui deviendront apparentes dans le cahier lui-même.

Ceci n'est cependant pas du tout l'étude d'une usine en particulier. C'était l'usine qui m'a ouvert les portes d'une théorie et d'une recherche qui était entièrement nouvelle pour moi et qui m'a amené à réfléchir et à théoriser.

Je n'avais auparavant eu aucun contact avec la psychologie industrielle ou managériale. Les possibilités pour une théorie générale psychologique ont donc produit sur moi un effet particulièrement fort, lorsque j'ai tout d'abord lu les ouvrages de Drucker et de McGregor qui étaient utilisés comme manuels chez Non-Linear. J'ai commencé à comprendre ce que Andrew Kay essayait de faire là-bas, et j'ai continué à lire voracement sur ce nouveau domaine fascinant de psychologie sociale.

J'avais habitude depuis plusieurs années d'écrire pour moi-même un cahier, de jeter les pensées sur le papier, associant quelquefois librement et improvisant, écrivant quelquefois à partir de notes précédentes et d'ébauches. Ce cahier-ci, cependant, n'était pas écrit à la main comme d'habitude, mais dicté sur un enregistreur car j'avais à ma disposition plusieurs excellentes secrétaires pour transcrire les cassettes presque immédiatement. Ceci est quelque chose qui arrive très rarement à un professeur. C'est en partie la raison de la quantité inhabituelle de manuscrit produit.

Ces notes étaient reliées en un ouvrage ronéotypé sans édition, addition, soustraction ou autre changement, au-delà de la correction des erreurs typographiques et grammaticales. Elles ont été éditées pour le présent ouvrage, mais ceci avait principalement pour objet de réunir les éléments épars qui vont ensemble, de supprimer quelques obscénités, de clarifier des phrases qui pouvaient être source de confusion, de compléter les références, de le rendre ici là un peu moins personnel et intime, etc. Je n'ai fait aucun effort pour corriger les erreurs, pour questionner quoi que ce soit, pour occulter mes préjugés, ou pour apparaître plus sage ou mieux informé que j'étais au cours de l'été 1962. Pas grand-chose n'a été ajouté ou supprimé. Ceci constituerait une contradiction directe avec l'objet de la publication d'un cahier.

Ces notes devraient être comprises avant tout comme les premières impressions et les premières réponses d'un psychologue théoricien exposé pour la première fois à un nouveau domaine de savoir et réalisant que ce savoir avait un effet considérable sur ses considérations théoriques (et vice-versa). J'ai appris à travers d'autres expériences que le novice peut souvent voir des choses sur lesquelles l'expert peut passer. Tous ce qui est nécessaire et de ne pas avoir peur de commettre des erreurs, ou de paraître naïf. J'ai ajouté à la fin ma bibliographie complète, incluant des rééditions, traductions, etc., aussi bien pour ma propre convenance que pour celle du lecteur. Je veux l’avoir imprimée quelque part afin de pouvoir m’y référer lorsque j'en ai besoin. Les chiffres entre parenthèses dans le texte font référence aux chiffres de cette bibliographie.

La pensée utopique et normative de ce genre n'est pas très courante ces jours-ci, et même lorsqu'elle se produit, elle est rejetée par beaucoup comme n'étant pas dans le domaine du savoir acceptable, et moins encore dans le domaine de la science. La science, même la science sociale et humaine, est supposée être exempte de valeurs, bien qu'évidemment je maintiens qu'elle ne puisse pas l'être (95)2. Ce cahier est un échantillon du genre de psychologie sociale idéale ou normative que j'ai essayé d'élaborer. J'ai inventé le mot "eupsychie" (81) et l’ai défini comme une culture qui serait générée par 1000 personnes auto-actualisantes sur une île isolée où elles ne souffriraient pas d'interférence (57, 79, 81). Alors, au contraire des rêves ou fantaisies5 utopiques et dystoptiques, les questions deviennent bien réelles; combien la nature humaine permet-elle une bonne société?" "Combien la société permet-elle une bonne nature humaine? Combien la nature de la société permet une bonne société? Puisque nous en savons plus sur les sommets que la nature humaine peut atteindre, nous pouvons maintenant extrapoler sur les formes plus "élevées" d'organisations Interpersonnelles et sociales que cette plus grande nature humaine rend en principe possible. Nous pourrions si nous le souhaitons, appeler ceci simplement "planifier." Ou nous pourrions vouloir être plus pompeux et l'appeler Histoire du Futur, ou utiliser le nouveau mot "cyber-culturel." Mais je préfère le mot "eupsychien" impliquant seulement une possibilité réelle et une améliorabilité plutôt qu'une certitude, une prophétie, une inévitabilité, un progrès nécessaire, la perfectibilité, ou des prédictions assurées sur le futur. Je suis bien conscient de la possibilité que l'humanité soit effacée. Mais il est aussi possible qu'elle ne soit pas effacée. Penser au futur et même essayer de le voir se produire et donc toujours une bonne idée. En un âge d'automatisation rapide, c'est même une tâche nécessaire.

Mais le mot "Eupsychie" peut aussi être compris dans d'autres sens. Il peut aussi vouloir dire "avancer vers la santé psychologique" ou "tourné vers la santé". Il peut impliquer les actions entreprises pour nourrir et encourager un tel mouvement, que ce soit par un psychothérapeute ou un enseignant. Il peut se référer aux conditions mentales ou sociales qui rendront la santé plus probable. Où il peut être pris comme une limite idéale; les buts élevés d'une thérapie, de l'éducation ou du travail par exemple.

Depuis que ce cahier à été écrit en 19623, Non-Linear Systems a dû subir une réduction de la demande pour ses produits ainsi qu'une concurrence croissante pour ce marché en contraction. Puisque ce cahier n'était pas une description de cette seule entreprise, je n'ai pas eu besoin de changer d'avis sur aucun des principes qui sont exposés. Mais il est important de répéter ici ce qui est souligné dans le cahier encore et encore, que ces principes sont valides essentiellement dans de bonnes conditions, plutôt que lorsque le temps menace. Le contraste parallèle dans la vie motivationnelle d'un individu est entre la motivation de croissance et la motivation défensive (l'homeostase, le désir de sécurité, la réduction de la douleur et des pertes, etc.). On peut s'attendre à ce que l'individu sain soit flexible et réaliste; c-a-d capable de passer de la croissance à la défense selon que les circonstances l'exigent. L'extrapolation théorique intéressante pour une organisation serait de s'attendre à ce qu'elle aussi soit capable de la flexibilité de passer de l'efficacité de "beau temps" à l'efficacité de "mauvais temps" selon que les circonstances l'exigent. Il me semble que c'est précisément ce qui s'est produit et se produit aujourd'hui chez Non-Linear, bien que ceci doive bien sûr être démontré par la recherche. 

 

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Traduit par Eric de Rochefort